Mai 2021

Le jour de la Pentecôte, les disciples furent « remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2,4). Cet événement se produit pour nous le jour de notre confirmation : l’Esprit de Pentecôte vient reposer sur chacun des confirmés. Mais si cela est vrai, demandera-t-on, si vraiment c’est le même Esprit Saint qui vient sur les nouveaux confirmés, comment se fait-il qu’ils ne se mettent pas eux aussi à parler diverses langues ?

Reconnaissez que ce serait très avantageux. Au-delà de la légitime admiration que le nouveau confirmé provoquerait au sein de sa famille, cela ne manquerait pas de le gratifier d’un sérieux atout dans sa vie professionnelle. Par voie de conséquence les multinationales enverraient leurs employés recevoir la confirmation, et nos évêques trouveraient les églises débordantes de monde (dans le respect des distances réglementaires) le jour où ils viendraient administrer ce sacrement.

Mais Dieu n’en a pas disposé ainsi, et finalement c’était certainement beaucoup plus sage. La question théologique demeure pourtant : pourquoi ceux qui reçoivent l’Esprit de Pentecôte au jour de leur confirmation ne se mettent-ils pas à parler des langues étrangères qu’ils ignoraient jusqu’alors ? Figurez-vous que la question n’est pas nouvelle. Nous conservons une homélie du VIème siècle de notre ère qui se la pose déjà, et qui apporte une réponse fort instructive. Je vous cite un passage : « si quelqu’un dit à l’un de nous : « est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ? », voici ce qu’il faut répondre : « Parfaitement, je parle toutes les langues » ». Ici vous allez penser que le digne prêtre qui prononça cette homélie ne manquait pas d’aplomb. Comment cela ? Parlait-il lui-même toutes les langues du monde de son époque ? Mais attendez l’explication : « Car je suis dans le corps du Christ, qui est l’Eglise, laquelle parle toutes les langues ». 

Dans cette réponse, vous serez peut-être tout d’abord tenté de voir une « pirouette », une habile manière d’esquiver une question embarrassante. Mais c’est au contraire une réponse profonde. Nous avons tendance à raisonner en termes individuels : un individu qui reçoit la confirmation ne se met à parler ni le hongrois ni le japonais. Mais celui qui reçoit l’Esprit Saint ne pense plus de cette manière : il se sent membre du corps du Christ. Ce qui arrive au corps du Christ lui arrive à lui, personnellement. Et réciproquement. Si le corps souffre, il souffre. Si le corps se réjouit, il se réjouit. Or le corps du Christ est répandu sur toute la terre, il parle tous les langages. Ainsi en est-il du confirmé. 

Au jour de la Pentecôte, la diversité des langues parlées signifiait la fin des barrières entre les hommes, une aptitude nouvelle à communiquer, à créer des liens, à former une communauté. Cette aptitude nous est donnée encore aujourd’hui. Le vrai don du Saint-Esprit, c’est la charité qui nous rend ainsi bénéficiaires des qualités des autres, et qui met à disposition des autres nos propres qualités. Annoncez donc à vos proches, vous aussi : « je parle toutes les langues ». Cela ne manquera pas de susciter des questions (espérons qu’elles seront en français), et vous pourrez proclamer la joie d’être membre du corps du Christ. 


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