Que se passe-t-il ? Alors qu’en ce jour de Noël les gens restent chez eux, peut-être autour du sapin, peut-être auprès des fourneaux, voilà que des hommes, des femmes, des enfants, quittent leur demeure, ne craignent pas d’affronter le froid, et se dirigent vers l’église. Ils ne trouveront pas là de confortables fauteuils, mais d’humbles bancs en bois. Tous rassemblés, ils célèbrent solennellement l’événement de Noël : le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire que lui qui était Dieu, lui qui est toujours Dieu, s’est fait homme. Le Tout-Puissant s’est fait vulnérable, mortel. L’omniscient entre dans une conscience humaine et limitée. Celui qui est plus grand que toutes les galaxies habite un petit corps d’homme. Celui qui est de condition divine partage désormais notre condition humaine, ses désirs, ses angoisses, ses souffrances, ses espoirs. Dieu est avec nous.

Cela s’est produit il y a deux mille ans, il y a longtemps. Mais la nouvelle en est restée peu connue. Seuls l’ont sue ceux qui recevaient de Dieu un don spécial, celui de la foi. Ceux-là savaient : Dieu s’est fait homme, le ciel s’est ouvert à notre terre. Les autres ne le savaient pas. Peut-être leurs oreilles avaient-elles entendues cette annonce, ou même leur intelligence. Mais leur cœur n’avait pas entendu. S’ils avaient su, ils se seraient joints à l’assemblée de tous les croyants.

Ainsi le monde devait fêter Noël, parer sa maison de guirlandes lumineuses, évoquer le Père Noël et ses traineaux, échanger cadeaux et bons moments, mais sans savoir pourquoi. Les croyants sont ceux qui savent pourquoi. Ils sont les gardiens du sens de Noël. Ils n’assument pas ce rôle de manière jalouse, comme s’ils voulaient se réserver à eux seuls la joie de ce jour. Ils gardent le sens de Noël pour le monde entier, comme on veille sur un feu pour que tous puissent venir s’y réchauffer. Ils accueillent le Seigneur dans la demeure de leur cœur, et ne le quittent pas lorsqu’ils se rendent dans le monde. Il en est ainsi depuis que Jésus naquit dans une étable, et que ses parents l’accueillirent. Depuis ce temps-là les disciples du Christ ont en charge le sens de Noël, et pas seulement le sens de Noël : celui de la vie humaine, car la vie sans Dieu, sans espérance devant la mort, se vide de son sens. Les chrétiens réunis pour Noël dans les églises sont à nouveau investis de cette mission : celui de garder son sens à la vie humaine. C’est déjà ce que disait un très ancien document chrétien, une lettre intitulée « A Diognète », datant du IIème siècle de notre ère, et dont je vous cite le passage le plus célèbre : les chrétiens « aiment tous les hommes et tous les persécutent. On les méconnaît, on les condamne ; on les tue, et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent de tout et surabondent en toutes choses. On les méprise, et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils sont justifiés. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans la joie comme s’ils naissaient à la vie […]. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde ».


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